REVUE GUIDE DE L’AUTO 1993

Pur samouraï

La troisième génération de la RX-7 a fait ses débuts au cours de l’année dernière. Mieux que toute autre Mazda, elle symbolise à la fois l’esprit qui anime ce constructeur et sa tradition. Elle est la seule sportive à moteur rotatif et sans doute aussi la plus pure et efficace du moment. Certainement la plus incisive.

Ils furent nombreux à comprendre les qualités du moteur rotatif, mais Mazda est la seule qui ait persévéré et rendu viable l’invention de Felix Wankel. Depuis le premier Cosmo Sport 110S, lancé en 1967, Mazda n’a effectivement jamais cessé de raffiner ce moteur. Mazda a aussi écrit une page d’histoire il y a quelques mois en remportant les 24 Heures du Mans avec sa 787 à quatre rotors. C’était une première pour ce type de moteur, évidemment, mais aussi pour un constructeur nippon. Le moment était donc rêvé pour dévoiler la troisième génération de sa RX-7 bien-aimée, ce qu’elle fit au Salon de Tokyo. La passion indéfectible de Mazda pour le rotatif a failli entraîner sa ruine au milieu des années 70, mais elle lui offrit aussi son premier triomphe en 1978: la première RX-7. Comme la Miata onze ans plus tard, elle était jolie, maniable et amusante à conduire mais également pratique, fiable et accessible. En 1986 une nouvelle RX-7 apparut suivie de la Turbo. Huit ans plus tard, le temps était venu pour Mazda de relancer sa sportive la plus sérieuse. Pour cette troisième génération de la RX-7, elle a heureusement choisi de trouver son inspiration dans les principes et les émotions fondamentales qui ont présidé, de tout temps, à la création des meilleures voitures sport. Pour la RX-7, il s’agissait d’un retour aux sources. Lorsque Mazda créa la première, elle le fit en partant de zéro et en poursuivant une idée et des objectifs précis dont la deuxième n’était, dans une large mesure, que le prolongement. Plus grosse et plus puissante, elle trahissait des influences certaines, la plus forte était bien entendu celle des Porsche à moteur avant. Il en est autrement cette fois-ci. La Miata est sans doute l’une des principales causes de ce retour de Mazda à ses propres valeurs, à ses racines. Son succès a prouvé à la direction qu’elle peut donner entière liberté à ses créateurs et déboucher sur de grands coups d’éclat.

L’ATTRAIT IRRÉSISTIBLE DE LA LÉGÈRETÉ

Face à l’escalade de puissance et de complexité des dernières années, Mazda a joué à fond la carte de la plus grande agilité possible. L’ingénieur-chef Takaharu Kobayakawa et son équipe en ont fait leur objectif premier. La nouvelle RX-7 est plus puissante et raffinée mais surtout plus légère que sa devancière. Le modèle de base pèse 100 kilos de moins que l’ancien et pourtant sa carrosserie est de 30% plus rigide. La NSX de Honda/Acura accuse quant à elle 95 kilos de plus, malgré sa carrosserie et de nombreuses autres composantes d’aluminium. Soulignons que la RX-7 a emprunté à la Miata son <<power plant frame>>, une longue poutrelle ajourée qui réunit la boîte de vitesses et le différentiel. Le moteur de la RX-7 ayant gagné 22% en puissance et en force de couple, son rapport poids/puissance s’est amélioré de 25%. Pour y arriver, l’équipe de conception est retournée explorer les principes fondamentaux de la tenue de route et de la performance. L’ingénieur-chef a même assis chacun dans un kart et une Formule Russell (propulsée par un rotatif) pour illustrer les vertus primordiales de la légèreté et d’un centre de gravité aussi bas que possible pour une sportive. On a ensuite poursuivi durant cinq ans la fusion la plus harmonieuse des qualités que l’on avait identifiées. À l’avant-première, on nous souligna qu’il aurait été impossible de concevoir et de construire une voiture comme la RX-7 sans les deux super-ordinateurs Cray que possède Mazda. Ils ont permis d’éliminer toute masse superflue et de développer un grand nombre d’éléments, dont une suspension entièrement indépendante à double bras d’aluminium triangulé. L’ordinateur a permis également de peaufiner l’aérodynamique de la RX-7 pour obtenir à la fin un excellent coefficient de traînée de 0,29. Si moderne soit-elle, la silhouette de la RX-7 est celle d’une sportive classique. On ne peut s’empêcher d’y reconnaître les rondeurs de la première Lotus Elite, certes, mais aussi la ligne des premiers coupés Cosmo de Mazda. Certains ont trouvés à son museau une ressemblance avec celui de la nouvelle Viper. Quoi qu’il en soit, la RX-7 est dans son ensemble très dépouillée face à des rivales qui donnent sans remords dans le spectaculaire. Or, ce minimalisme est un reflet très juste des objectifs que s’était fixés l’équipe. Sa silhouette n’a donc rien d’un feu d’artifice. La RX-7 a de bonnes chances de vieillir avec élégance. Nous n’avons de réserves sérieuses que pour le panneau de plastique opaque que l’on a cru bon d’ajouter à l’arrière pour faire la jonction entre les feux arrière tout en intégrant le feu central. La RX-7 n’avait justement nul besoin de cette touche barque. Le choix d’une carrosserie de couleur foncée est cependant un correctif sans douleur à cet impair pour celles ou ceux qu’il peut aussi irriter.

TAILLÉ JUSTE

Le dessin de l’intérieur, d’autre part, est à la fois original, attrayant et fonctionnel, bien que les rangements y soient rares et l’espace très mesuré. On a fait un travail impressionnant côté ergonomie et porté une grande attention aux détails. Les pédales de frein et d’embrayage, par exemple, sont faites d’aluminium ajouré: impeccable pour le <<pointe-talon>>. La jante du volant gainé de cuir offre une prise parfaite. Mazda a choisi ce volant entre les 300 qu’elle avait préparés. Il loge d’ailleurs un coussin gonflable sans perdre toute élégance. Quelles que soient ses qualités, il n’est cependant pas réglable et on le trouve trop bas au premier contact. Les sièges, quant à eux, sont à l’abri de toute critique. Ils ont demandé quatre années de raffinement. L’instrumentation est extrêmement complète et disposée admirablement, avec un gros compte-tours en position centrale. Les anneaux chromés qui entourent les cadrans sont cependant superflus dans une sportive moderne. Les commandes et contrôles, enfin, sont au-dessus de tout reproche. Le contrôle de la climatisation, par exemple, est assuré par trois mollettes de tailles différentes, parfaitement claires, visibles et accessibles. On ne fait simplement pas mieux. La soute à bagages est enfin assez exiguë et très peu profonde. Elle le devient d’autant moins lorsque la RX-7 est pourvue de la chaîne audio optionnelle que Bose a taillée sur mesure pour elle. Quelques 46 trajets É.-U. Japon ont effectivement débouché sur l’installation d’un immense serpent de plastique noir creux dans la soute arrière. Destiné à offrir des basses sans distorsion, il bloque également l’accès au pneu de rechange. Eh oui ! Il faut démonter en partie le système de son pour réparer une crevaison.

LE COEUR ET LES JAMBES

La RX-7 n’est désormais offerte qu’avec un moteur turbo. Il s’agit d’une version encore plus évoluée du birotor 13b qui équipait la version précédente. On a étudié plusieurs types et configurations, y compris un trois rotors, mais l’équipe en est venu à la conclusion que le birotor turbocompressé était le meilleur moteur possible pour une voiture sport. La légèreté, la compacité et les 255 chevaux de la nouvelle version sont des arguments irréfutables. Cette puissance, phénoménale pour une cylindrée de 1,3 litre, a été obtenue entre autres grâce à une paire de turbocompresseurs Hitachi fonctionnant en tandem. Le premier, plus petit, est toujours en prise. Le second, plus gros, intervient en accélération intense. C’est une technique encore très peu répandue, que Porsche a toutefois employée avec beaucoup de succès sur sa fabuleuse 959.

Grâce à sa nouvelle suspension, la RX-7 est à la fois plus confortable et plus silencieuse que l’ancienne. Sa tenue de route est aussi nettement meilleure. Elle démontre un aplomb et un équilibre exceptionnels. Son adhérence très élevée et sa direction ultrarapide rendent cependant sa conduite délicate à la toute limite, une pratique dont on devrait s’abstenir loin des circuits avec la RX-7. La RX-7 possède toutefois un différentiel autobloquant Torsen (pour Torque Sensing ou sensible au couple) qui lui confère une excellente motricité. Son freinage anti bloquant est certainement au-dessus de tout soupçon: il nous a permis d’enregistrer les distances de freinage les plus courtes à ce jour avec une puissance et une endurance assez extraordinaires. Là aussi, la recherche de légèreté a été payante. Le levier de la boîte de vitesses manuelle est d’une précision et d’une rapidité réjouissante, rappelant celui de la Miata. Les rapports sont longs, par ailleurs, même si le moteur fournit 85% de son couple dès 2000 tours, selon Mazda. Il s’anime en fait sérieusement à 3000 tours et le limiteur de régime intervient à environ 7600 tours, dans la zone rouge, après un <<bip>> d’avertissement. La RX-7 est offerte avec une boîte automatique à quatre rapports, même si Mazda s’attend à ce que 95% des RX-7 soient achetées avec boîte manuelle. Malgré ses qualités, par ailleurs, le moteur rotatif n’offre pas une prise de régime instantanée.